Exhibition view, Galerie Alain Gutharc, 2013
Yann Gerstberger nous a habitués à une sculpture mixed media, exotique et tropicale, joyeuse, colorée, éclatée et totémique, qui évoque l’art précolombien, et toutes sortes de primitivismes, mais aussi le design radical ou les pratiques teenage hardcore. Comme il a conscience de l’existence de notions comme le multiculturalisme, et qu’il a lu Stuart Hall, il se demande bien évidemment comment on peut faire référence à des cultures non-occidentales sans être dans un acte de prolongement du colonialisme. Mais il ne s’est pas donné pour tâche de résoudre ces questions culturelles: il préfère les déjouer en endossant la panoplie de l’artiste naïf. Questionné sur son rapport à l’exotisme, il biaise: « J’aime l’art naïf, brut, outsider. Je ne dis rien de spécial, j’essaie de faire quelque chose qui soit beau, comme un kid qui dessinerait des chevaux qui attaquent des châteaux forts ».
(...) Par-delà ce rapport à un univers exotique - et donc mental - s’affirme dans ce travail un principe d’économie et une matérialité maîtrisée et concrète. Yann Gerstberger travaille avec ce qu’il trouve (ou vole), avec des matières pauvres, souillées, et dans un rapport très dur aux contraintes réelles. Ses œuvres sont un va-et-vient entre « des trouvailles, des intentions, plein de mini-échecs et de mini- réussites ». Cerf-volant, palmiers déchiquetés, totem, assemblages en tout genre, les ready- mades arrangés qu’il produit sont au final aussi hallucinés et acides qu’ils renvoient aux obsessions bien réelles et aux conditions de travail de sa génération.
Jill Gasparina